Après l’Allemagne, la France et la Belgique, Fatshi stoppé dans son élan de reconquête de l’Union européenne. A la base, les tueries du quartier Mugunga à Goma. Mais aussi les menaces sur la capitale du Nord-Kivu et Minova dans le Sud-Kivu voisin.

Le chef de l’Etat devait poursuivre son tour de table sur le vieux continent avec la Hongrie. Ce pays de l’Europe centrale a cette particularité d’avoir appartenu à l’ancienne Europe de l’est, ensemble avec la Pologne qui a récemment pris fait et cause, s’agissant du conflit de l’est de la RDC, en faveur du Rwanda. Vitrine de l’Otan dont elle est un chien de chasse enragé, la Pologne a promis de faire la guerre à la RDC en portant les armes de l’alliance atlantique contre un pays qui ne lui a jamais déclaré la guerre.

La Hongrie se situe à côté de la Pologne mais ne se veut pas un chien servile de la complexe bureaucratie bruxelloise. Elle est notamment connue pour son opposition mais aussi pour ses négociations serrées sur les aides fournies à l’Ukraine qu’elle accuse d’entretenir la guerre. Ajoutons que l’enfant difficile de l’UE n’y a adhéré que tardivement en 2004 mais s’en veut de plus en plus une sorte de troublion. C’est ce troublion qui s’apprêtait à accueillir le Président de la RD Congo. Ceci explique-t-il cela ?

Partie remise ?

Il est à espérer que Félix Antoine Tshisekedi qui était attendu à Budapest, la capitale de la Hongrie, ne s’y rendait pas que pour des prunes et entendait profiter de la position privilégiée de ce pays au sein de l’UE pour pousser quelques pions et porter le débat au sein même de l’institution supranationale. Budapest est aussi connu pour son expertise dans le secteur de l’industrie agricole. Félix Tshisekedi devra par conséquent reprendre rapidement sa tournée là où elle s’est arrêtée, après avoir poussé les Fardc à reprendre de manière déterminante l’initiative dans l’est à la suite de la dernière humiliation infligée au pays par le Rwanda avec les bombes lancées sur le quartier Mugunga à Goma. Le sommet Russie-Afrique pourrait offrir cette opportunité.

Rappelons que ces bombes rwandaises ont tué plus d’une dizaine des personnes et fait plusieurs blessés graves parmi les populations déplacées, notamment des femmes et des enfants dont les images horribles ont fait le tour du monde, constituant la preuve irréfutable d’un crime contre l’humanité dans le chef de la coalition RDF-M23 !

Ce développement est surtout intervenu dans un contexte de folles rumeurs persistantes autour de la cité de Rubaya, célèbre pour ses minerais stratégiques, notamment le coltan, au milieu d’une forte clameur faisant état de nouvelles trahisons du côté des forces régulières et de dysfonctionnements graves au sein de la chaîne de commandement. La même clameur publique évoque aussi l’angoisse qui étreint les populations de la cité de Minova au Sud-Kivu, dans une volonté d’élargissement et d’essaimage du front pour frapper l’opinion.

Dilemme cornélien pour Tshisekedi

La question est maintenant de savoir ce que compte faire le chef de l’Etat face à cette situation.

Le dilemme est encore plus cruel lorsqu’on sait que dans ses récentes déclarations en Allemagne comme en France et surtout devant la diaspora congolaise, le chef de l’Etat a réitéré sa position selon laquelle il n’y aura jamais de négociation avec le M23, qualifié de coquille vide, et que la seule option pour le Rwanda est de retirer ses troupes du territoire congolais.

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Le problème à ce stade, c’est que les Congolais ont vécu les bombes lancées sur Mugunga comme une humiliation de trop et ne comptent plus se contenter de ce qui leur apparaît souvent comme des tergiversations, ainsi qu’un manque de volonté et de courage. Les Congolais ont surtout le sentiment pénible que le temps laissé à l’option diplomatique amplifie cette humiliation, d’autant que celle-ci ne débouche pas toujours sur des avancées significatives, ni à l’ONU qui multiplie les manœuvres dilatoires face à l’urgence et à la nécessité d’infliger des sanctions aux auteurs de l’agression, ni du côté de ceux qui s’offrent comme nos partenaires traditionnels et qui louvoient dans leurs prises de position.

Malheureusement, rien ne dit que ce ressentiment soit le facteur le plus approprié pour avoir le contrôle, avec maîtrise et sang-froid, de l’ensemble des opérations devant conduire à infliger au Rwanda la leçon qu’exige son outrecuidance. La réalité cruelle est qu’il nous faut chaque jour faire face à une foule déchaînée, chauffée à blanc et qui vit chaque opération rwandaise comme un poignard planté en plein cœur et une humiliation de trop pour la nation et son peuple ! D’où la question : comment rétablir la confiance dans les Fardc face à des revers qui se multiplient, mais aussi dans le chef d’un leadership dont les subtilités dans le processus de mûrissement des décisions ne sont pas à la portée de tout le monde alors que la colère gronde et que l’impatience monte au sein de la population ?

Face, enfin, à des communicateurs qui tirent dans tous les sens sans maîtriser les tenants et les aboutissants des enjeux en cours, pressés seulement à multiplier les vues et à faire du buzz.

Ces incertitudes se nourrissent malheureusement de discordes, vraies ou supposées, entre certains officiers mais aussi entre ces derniers et les patriotes Wazalendo.

Reprendre l’initiative

Le gouvernement va-t-il se contenter de prendre les accusations du département d’Etat contre le Rwanda d’avoir bombardé le camp des déplacés du quartier Mugunga (Goma) pour de l’argent comptant et une victoire de la diplomatie congolaise, sans oser une action audacieuse qui rétablirait la confiance des Congolais ? Et que dire de toutes ces rumeurs qui évoquent l’encerclement de Goma et Sake ? Que penser, sinon d’un échec potentiel, de celles faisant état du rétropédalage de l’Afrique du Sud dans le cadre de la mission de la SADC et de multiples complots courant dans la ville de Kinshasa transformée en bastion de la « Balobie », dixit le Maréchal Mobutu ?

Rappelons pour le reste que la déclaration du porte-parole du département d’Etat, comme celle d’Emmanuel Macron, insiste aussi sur le respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de chaque pays. Elle fait écho à celle du Président français Emmanuel Macron selon laquelle l’intégrité territoriale et la souveraineté de la RDC ne sont pas négociables.

Encore faudra-t-il qu’il n’y ait eu aucune hypocrisie dans ce genre de prise de position faite juste pour la consommation de l’opinion, d’autant plus que c’est au même moment, comme dans un ultime défi, que le Rwanda a décidé de lancer ses bombes sur le camp de Mugunga !

Bref, les arbitrages s’annonçaient très délicats pour Félix Tshisekedi qui sent monter, comme le vent du boulet, la colère et l’impatience de ses nombreux électeurs. On attendait le week-end dernier une réunion décisive du Conseil supérieur de la défense, des signaux clairs sur la capacité du leadership congolais à reprendre le contrôle des événements ainsi que l’initiative sur le terrain militaire. On attendait des signaux clairs sur la manière dont les vrais-faux dysfonctionnements du commandement seraient mis à jour, examinés sans complaisance et éradiqués sans atermoiements.

On est un peu resté sur notre soif, dans la mesure où, certes, des dispositions ont été prises pour que le terrain bascule en faveur de nos forces armées de défense et de sécurité. Le gouvernement a promis même une réaction proportionnelle Mais rien n’est encore sorti des sphères décisionnelles pour démontrer qu’en dehors de cette action ponctuelle, une stratégie cohérente dans la durée, combinant des facteurs politiques, sécuritaires et diplomatiques a été adoptée et que chaque rouage remplira sa tâche sous réserve d’une évaluation régulière.

Kenge Mukengeshayi/Analyste

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